Introduction à la messe tridentine

Encyclique MEDIATOR DEI

de Sa Sainteté le Pape PIE XII

SUR LA SAINTE LITURGIE

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IV DIRECTIVES PASTORALES

I. LES AUTRES FORMES DE PIÉTÉ NON STRICTEMENT LITURGIQUES SONT VIVEMENT RECOMMANDÉES

Afin d’écarter plus aisément de l’Église les erreurs et les exagérations de la vérité, dont Nous avons parlé ci-dessus, et afin de permettre aux fidèles de s’adonner très fructueusement, en suivant des règles très sûres, à l’apostolat liturgique, Nous estimons opportun, Vénérables Frères, d’ajouter quelque chose ayant trait à la mise en pratique de la doctrine exposée.

Traitant de l’authentique et sincère piété, Nous avons affirmé qu’entre la liturgie et les autres dévotions - pourvu que celles-ci soient bien équilibrées et se proposent une juste fin - il ne peut exister de véritable opposition ; tout au contraire, l’Église recommande très vivement au clergé et aux religieux un certain nombre de pieux exercices.

Nous voulons, à présent, que même le peuple chrétien ne soit pas exclu de ces derniers. Ce sont, pour ne parler que des principaux, la méditation des choses spirituelles, l’examen de conscience attentif, permettant de se mieux connaître, les retraites fermées, instituées pour réfléchir plus profondément sur les vérités éternelles, les ferventes visites au Saint Sacrement et ces spéciales prières ou supplications en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie, entre lesquelles excelle, comme chacun sait, le Rosaire (cf. C.I.C., can. 125).

L’action du Saint-Esprit n’y est pas étrangère

A ces multiples formes de piété ne peuvent être étrangères l’inspiration et l’action du Saint-Esprit ; elles tendent toutes, en effet, bien que de diverses manières, à convertir les âmes et à les mener à Dieu à les purifier de leurs péchés ; à leur faire acquérir la vertu, d’un mot, à stimuler en elles la véritable piété, par le fait qu’elles les habituent à méditer les vérités éternelles et les rendent plus aptes à contempler les mystères de la nature humaine et divine du Christ. De plus, en nourrissant intensément chez les fidèles la vie spirituelle, ces pratiques les disposent à participer aux fonctions sacrées avec un plus grand fruit et écartent le danger que les prières liturgiques ne se réduisent à un vain formalisme.

Erreurs dont il faut préserver les fidèles

Ne cessez donc pas, Vénérables Frères, dans votre zèle pastoral de recommander et d’encourager ces exercices de piété, desquels, sans nul doute, ne pourront manquer de dériver, pour le peuple qui vous est confié, des fruits salutaires. Surtout, ne permettez pas - comme d’aucuns l’admettent, soit sous prétexte d’un renouvellement de la liturgie, soit en parlant avec légèreté d’une efficacité et d’une dignité exclusive des rites liturgiques - que les églises soient fermées durant le temps qui n’est pas consacré aux fonctions publiques, comme cela se fait déjà en certaines régions ; que l’adoration de l’auguste sacrement et les pieuses visites aux tabernacles eucharistiques soient négligées ; que soit déconseillée la confession des fautes faite dans le seul but de la dévotion ; que le culte de la Vierge Mère de Dieu qui, de l’aveu des saints, est un signe de prédestination, soit sous-estimé, spécialement chez les jeunes, au point de s’éteindre et de s’alanguir peu à peu. Ces façons d’agir sont des fruits empoisonnés, excessivement nocifs à la piété chrétienne et qui croissent sur les branches pourries d’un arbre sain ; il faut donc couper celles-ci pour que la sève de l’arbre puisse nourrir seulement des fruits suaves et excellents.

La confession sacramentelle

Mais, comme les opinions que professent certains au sujet de la fréquente confession des péchés, ne sont pas du tout conformes à l’esprit du Christ et de son Épouse immaculée, mais véritablement funestes à la vie spirituelle, Nous rappelons ce que Nous avons écrit avec douleur, sur ce sujet, dans l’encyclique Mystici Corporis, et Nous insistons de nouveau pour que vous rappeliez à la sérieuse méditation et à la docile observation de vos fidèles, et spécialement des candidats au sacerdoce et du jeune clergé, les très graves paroles dont nous nous sommes servi en cet endroit.

Les exercices et retraites spirituels

Efforcez-vous, d’une façon particulière, ensuite, d’obtenir que le plus grand nombre possible, non seulement de clercs, mais aussi de laïques, et spécialement ceux qui font partie des confréries religieuses et des groupements d’Action catholique, prennent part aux récollections mensuelles et aux exercices spirituels, organisés à des dates déterminées, dans le but d’intensifier leur piété. Comme Nous l’avons dit ci-dessus, ces exercices spirituels sont très utiles, plus que cela, nécessaires pour infuser aux âmes la piété authentique et pour les former à la sainteté des mœurs, de façon qu’elles puissent tirer de la sainte liturgie des bienfaits plus efficaces et abondants.

Quant aux modes variés selon lesquels s’effectuent habituellement ces exercices, qu’il soit bien entendu et bien clair pour tous que dans l’Église de la terre, comme dans celle du ciel, il y a " beaucoup de demeures " (cf. Jn XIV, 2) ; et que l’ascétisme ne peut être le monopole de personne. Un est l’Esprit qui, cependant, " souffle où il veut " (Jn III, 8), et qui, avec des dons divers et par des voies diverses, dirige les âmes qu’il illumine dans la poursuite de la sainteté. Que leur liberté et l’action surnaturelle du Saint-Esprit en elles soit une chose sacro-sainte, qu’il n’est permis à personne, à aucun titre, de troubler et de mépriser. Il est notoire, toutefois, que les exercices spirituels de saint Ignace furent pleinement approuvés et instamment recommandés par Nos prédécesseurs pour leur admirable efficacité, et Nous aussi, pour la même raison, les avons approuvés et recommandés, comme encore à présent Nous les approuvons et recommandons bien volontiers.

Il est absolument nécessaire, toutefois, que l’inspiration à suivre et à pratiquer des exercices déterminés de piété vienne du Père des lumières, source des meilleures choses et de tout don parfait (cf. Jacques, I, 17) ; une preuve en sera l’efficacité avec laquelle ces exercices aideront à faire aimer et progresser toujours davantage le culte divin et à développer de plus en plus, chez les fidèles, le désir de participer aux sacrements, ainsi que l’honneur et le respect qui sont dus à toutes les choses saintes. Si, par contre, ils devaient aboutir à mettre obstacle ou se révélaient opposés aux principes et aux règles du culte divin, alors sans aucun doute on devrait les considérer comme n’étant pas inspirés ni dirigés par un sage conseil ou par un zèle éclairé.

Autres pratiques non strictement liturgiques

Il y a, en outre, d’autres pratiques de piété qui, bien que ne relevant pas en droit strict de la sainte liturgie, revêtent une particulière dignité et importance, au point d’être considérées comme faisant partie, d’une certaine façon, de l’organisation liturgique, et qui jouissent des approbations et louanges réitérées de ce Siège apostolique et de l’épiscopat. De ce nombre relèvent les prières qu’on a coutume de faire durant le mois de mai en l’honneur de la Vierge Mère de Dieu, ou durant le mois de juin, en l’honneur du Cœur sacré de Jésus, les triduums et les neuvaines, le chemin de croix et d’autres dévotions semblables.

Ces pieuses pratiques, en excitant le peuple chrétien à une fréquentation assidue du sacrement de la pénitence et à une fervente participation au sacrifice eucharistique et à la sainte table, comme à la méditation des mystères de notre Rédemption ou à l’imitation des grands exemples des saints, contribuent par cela même, non sans fruits salutaires, à nous rendre participants du culte liturgique.

C’est pourquoi, il ferait une chose pernicieuse et pleine de tromperie celui qui oserait, témérairement, assumer la réforme de ces exercices de piété, pour les ramener aux seules cérémonies liturgiques. Il est nécessaire, toutefois, que l’esprit de la sainte liturgie et ses préceptes influent avec profit sur eux, pour éviter que ne s’y introduise quoi que ce soit d’inadapté ou de peu conforme à la dignité de la maison de Dieu, ou qui soit dommageable aux fonctions sacrées et à la saine piété.

Veillez donc, Vénérables Frères, à ce que cette pure et authentique piété prospère sous vos yeux et fleurisse chaque jour davantage. Ne manquez pas surtout d’inculquer à chacun que la vie chrétienne ne consiste pas dans la multiplicité et la variété des prières et des exercices de piété mais consiste plutôt en ce que ceux-ci contribuent réellement au progrès spirituel des fidèles et, du fait, à l’accroissement de toute l’Église. Le Père éternel, en effet, " nous a élus en lui (le Christ) avant la création du monde, pour être saints et sans tache en sa présence " (Ep I, 4). Toutes nos prières, par conséquent, et toutes nos pratiques de dévotion doivent tendre à diriger nos ressources spirituelles vers l’obtention de cette suprême et très noble fin.

II. ESPRIT LITURGIQUE ET APOSTOLAT LITURGIQUE

Nous vous exhortons, ensuite, instamment, Vénérables Frères, une fois exposées les erreurs et les inexactitudes, en même temps que prohibé tout ce qui est en dehors de la vérité et de l’ordre, à promouvoir les initiatives susceptibles de donner au peuple une plus profonde connaissance de la sainte liturgie, de façon qu’il puisse plus convenablement et plus facilement participer aux rites divins, avec des dispositions vraiment chrétiennes.

Obéissance aux dispositions de l’Église

Il est nécessaire avant tout de veiller à ce que tous obéissent, avec le respect et la foi qui leur sont dus, aux décrets publiés par le concile de Trente, les pontifes romains, la Sacrée Congrégation des Rites et à tout ce que les livres liturgiques ont fixé au sujet de l’action extérieure du culte public.

Dans tout ce qui regarde la liturgie, il faut que se manifestent le plus possible ces trois caractères, dont parle Notre prédécesseur Pie X : le respect du sacré, qui rejette avec horreur les nouveautés profanes ; la tenue et la correction des œuvres d’art, vraiment dignes de ce nom ; enfin le sens de l’universel qui, tout en tenant compte des traditions et coutumes locales légitimes, affirme l’unité et la catholicité de l’Église (cf. Lettre apost. Motu Proprio Tra le sollecitudini, du 22 novembre 1903).

Beauté des édifices sacrés et des sanctuaires

Nous désirons et Nous recommandons chaudement, encore une fois, la beauté des édifices sacrés et des sanctuaires. Que chacun fasse sienne cette parole inspirée : " Le zèle de ta maison m’a dévoré " (Ps. LXVIII, 10 ; Jn II, 17) ; et qu’il s’ingénie de son mieux pour qu’aussi bien dans les édifices cultuels que dans les vêtements et ornements liturgiques, sans toutefois faire parade d’un luxe excessif, chaque chose soit adaptée et de bon goût, comme étant consacrée à la Majesté divine. Si, déjà, Nous avons réprouvé, plus haut, la façon d’agir incorrecte de ceux qui, sous prétexte de retour à l’antiquité, veulent expulser des temples les images sacrées, Nous pensons que c’est ici Notre devoir de reprendre la piété mal comprise de ceux qui, dans les églises et même sur les autels, offrent sans juste motif à la vénération des fidèles une multitude d’images et de statues ; de ceux qui exposent des reliques non authentiquées : de ceux enfin qui mettent l’accent sur des pratiques particulières et insignifiantes, au détriment des essentielles, ridiculisant ainsi la religion et diminuant la dignité du culte.

Nous vous remettons également en mémoire ce décret " sur les formes nouvelles du culte et de la dévotion qu’on ne doit pas introduire " (Suprema S. Congr. S. Officii : Décret du 26 mai 1937), et Nous en recommandons la scrupuleuse observation à votre vigilance.

Le chant grégorien

Pour ce qui concerne l’art musical, qu’on observe religieusement dans la liturgie les règles précises et bien connues, émanées de ce Siège apostolique. Quant au chant grégorien que l’Église romaine considère comme son bien particulier, héritage d’une antique tradition que sa tutelle vigilante a conservée au cours des siècles, qu’elle propose également aux fidèles comme leur bien propre, et qu’elle prescrit absolument en certaines parties de la liturgies (cf. Pie X, Lettre apost. Motu Proprio Tra le sollecitudini), non seulement il ajoute à la beauté et à la solennité des divins mystères, mais il contribue encore au plus haut point à augmenter la foi et la piété des assistants. A ce propos, Nos prédécesseurs d’immortelle mémoire, Pie X et Pie XI, ont décrété - et Nous confirmons volontiers de Notre autorité les dispositions prises par eux - que dans les séminaires et dans les Instituts religieux soit cultivé avec soin et diligence le chant grégorien et que, au moins dans les églises plus importantes, soient restaurées les anciennes " écoles de chant " (scholæ cantorum), comme cela s’est déjà fait avec succès en beaucoup d’endroits (cf. Pie X, loc. cit. ; Pie XI, Const. Divini cultus, II, V).

Le chant populaire

Il importe, en outre, " afin que les fidèles participent plus activement au culte divin, de rendre au peuple l’usage du chant grégorien pour la part qui le concerne. Il est vraiment urgent que les fidèles assistent aux cérémonies sacrées, non comme des spectateurs muets et étrangers, mais qu’ils soient touchés à fond par la beauté de la liturgie… qu’ils fassent alterner, selon les règles prescrites, leurs voix avec la voix du prêtre et de la Schola ; si cela, grâce à Dieu, se réalise, alors il n’arrivera plus que le peuple ne réponde que par un léger et imperceptible murmure aux prières communes dites en latin et en langue vulgaire " (Pie XI, Const. Divini cultus, IX).

La nombreuse assistance qui prend part au sacrifice de l’autel, où notre Sauveur, en union avec ses fils rachetés de son sang, chante l’épithalame de son immense charité, ne pourra certainement se taire, puisque " chanter est le fait de celui qui aime " (S. Augustin, Serm. CCCXXXVI, n. 1), et que, comme le disait déjà un vieux proverbe, " celui qui chante bien prie deux fois ". Aussi l’Église militante, c’est-à-dire le clergé et les fidèles assemblés, unit-elle sa voix aux cantiques de l’Église triomphante et aux chœurs angéliques, pour élever à l’unisson un hymne splendide et sans fin en l’honneur de la très sainte Trinité, selon ces mots (de la Préface) : " En compagnie desquels nous te prions de faire admettre nos voix " (Missale Rom., Praefatio).

On ne saurait, toutefois, exclure totalement du culte catholique la musique et le chant modernes. Bien mieux, pourvu qu’ils n’aient rien de profane ou d’inconvenant étant donné la sainteté du lieu et des offices sacrés, qu’ils ne témoignent pas non plus d’une recherche d’effets bizarres et insolites, il est indispensable de leur permettre alors l’entrée de nos églises, car ils peuvent l’un et l’autre grandement contribuer à la magnificence des cérémonies, aussi bien qu’à l’élévation des âmes et à la vraie dévotion.

Nous vous exhortons encore, Vénérables Frères, à prendre soin de promouvoir le chant religieux populaire et sa parfaite exécution, selon la dignité convenable, car il est apte à stimuler et accroître la foi et la piété de la foule chrétienne. Que montent vers le ciel, unanimes, et puissants comme le bruit des flots de la mer (cf. S. Ambroise, Hexameron, III, 5, 23), les accents de notre peuple, expression rythmée et vibrante d’un seul cœur et d’une seule âme (cf. Ac IV, 32), ainsi qu’il convient à des frères et aux fils du même Père.

Les autres arts dans le culte liturgique

Ce que Nous venons de dire de la musique convient également à plusieurs autres arts, en particulier, à l’architecture, à la sculpture et à la peinture. Les œuvres modernes, les mieux harmonisées avec les matériaux servant aujourd’hui à les composer, ne doivent pas être méprisées et rejetées en bloc, de parti pris ; mais, tout en évitant, avec un sage esprit de mesure, d’une part les excès du " réalisme ", et de l’autre ceux du " symbolisme ", comme on les appelle, et tout en tenant compte des exigences de la communauté chrétienne plutôt que du jugement et du goût personnel des artistes, il importe extrêmement de laisser le champ libre à l’art de notre temps, qui, soucieux du respect dû aux temples et aux rites sacrés, se met à leur service, de telle sorte que, lui aussi, puisse unir sa voix à l’admirable cantique chanté, dans les siècles passés, par les hommes de génie, à la gloire de la foi catholique. Nous ne pouvons, cependant, Nous empêcher - c’est pour Nous un devoir de conscience - de déplorer et de réprouver ces images ou ces statues introduites récemment par quelques-uns, et qui semblent bien être une dépravation et une déformation de l’art véritable, en ce qu’elles répugnent parfois ouvertement à la beauté, à la réserve et à la piété, par le regrettable mépris qu’elles font de l’instinctif sentiment religieux, il faut absolument bannir ou expulser ces œuvres de nos églises, ainsi qu’" en général tout ce qui n’est pas en conformité avec la sainteté du lieu " (C.I.C. can. 1178).

Dans l’esprit et la ligne des directives pontificales, ayez grand soin, Vénérables Frères, d’éclairer et de diriger l’inspiration des artistes, auxquels sera confié à présent le soin de restaurer et de reconstruire tant d’églises atteintes ou détruites par les violences de la guerre ; puissent-ils et veuillent-ils, s’inspirant de la religion, trouver le style le plus capable de s’adapter aux exigences du culte ; il adviendra de la sorte, fort heureusement, que les arts humains, semblant venir du ciel, resplendiront de lumière sereine et contribueront extrêmement au progrès de l’humaine civilisation, en même temps qu’à l’honneur de Dieu et à la sanctification des âmes. Puisqu’en toute vérité, les beaux-arts s’harmonisent avec la religion, dès lors qu’ils se comportent " en très nobles serviteurs du culte divin " (Pie XI, Const. Divini cultus).

Importance de vivre la vie liturgique

Mais il y a quelque chose de plus important encore, Vénérables Frères, et que Nous recommandons spécialement à votre sollicitude et à votre zèle apostolique. Tout ce qui concerne le culte religieux extérieur a son importance, mais ce qui est le plus urgent et ce qui importe au plus haut point, c’est que les chrétiens vivent la vie de la liturgie, en alimentent et fortifient l’esprit.

Ayez donc grand soin que le jeune clergé, en même temps qu’il s’initie aux disciplines ascétiques, théologiques, juridiques et pastorales, soit formé à l’intelligence des cérémonies sacrées, à la compréhension de leur majestueuse beauté, et qu’il en apprenne diligemment les règles, appelées rubriques. Cela non dans un motif de pure érudition, ni afin seulement que le séminariste puisse, un jour, accomplir les rites religieux avec l’ordre, la bienséance et la dignité convenables, mais surtout pour qu’il s’adonne, dès le cours de sa formation, à une très intime union avec le Christ-Prêtre et devienne un saint ministre des choses saintes.

Ingéniez-vous aussi de toute façon pour qu’à l’aide des secours, jugés dans votre prudence les plus efficaces, le clergé et le peuple forment un seul esprit et une seule âme ; et qu’ainsi le peuple chrétien prenne une part active à la sainte liturgie, qui deviendra vraiment alors l’action sacrée, où le prêtre, et surtout le prêtre chargé d’âmes, dans la paroisse à lui confiée, en étroite union avec l’assemblée du peuple, rend au Seigneur le culte qui lui est dû.

Les enfants de chœur au service de l’autel

Pour obtenir plus sûrement ce résultat, il sera fort utile que, dans toutes les catégories sociales, on fasse choix d’enfants pieux et bien élevés qui servent assidûment à l’autel, s’y dévouant avec désintéressement et de bon cœur ; cette fonction devrait être tenue en grande estime par les parents, même de condition et de culture plus élevées.

Si ces jeunes gens étaient instruits comme il convient et entraînés, grâce aux soins vigilants du clergé, à remplir cet office, qui leur est confié, en des heures déterminées, avec persévérance et respect, cela favoriserait l’éclosion parmi eux de nouvelles vocations au sacerdoce et il n’arriverait pas que le clergé se lamente - comme, hélas ! même en des régions très catholiques - de ne trouver personne pour lui répondre et le servir dans la célébration de l’auguste sacrifice.

Zèle des pasteurs

Tâchez surtout d’obtenir, par votre zèle très diligent, que tous les fidèles assistent au sacrifice eucharistique ; et, pour qu’ils en retirent de plus abondants fruits de salut, ne manquez pas de les exhorter souvent à y participer de toutes les manières correctes dont Nous avons parlé ci-dessus. L’auguste sacrifice de l’autel est l’acte principal du culte divin ; il faut donc qu’il soit la source et le centre de la piété chrétienne. Et tenez pour certain que vous n’aurez pas satisfait à votre tâche apostolique, aussi longtemps que vous ne verrez pas vos enfants s’approcher nombreux du banquet céleste, " ce sacrement de la piété, ce signe de l’unité, ce lien de la charité " (S. Augustin, Tract. XXVI in Ioan., 13).

Mais pour que le peuple chrétien puisse toujours plus abondamment mettre à profit ces dons surnaturels, prenez soin de l’instruire des richesses que contient pour la piété, la sainte liturgie ; faites-le par des prédications opportunes, spécialement par des séries de conférences, des semaines d’études et autres procédés semblables. Dans ce but, les militants de l’Action catholique, toujours prêts à collaborer avec la hiérarchie, afin de promouvoir le règne de Jésus-Christ, se mettront volontiers à votre disposition.

Vigilance contre les erreurs et les préjugés

Il est cependant indispensable qu’en tout cela vous veilliez attentivement à ce que dans le champ du Seigneur ne s’introduise pas l’ennemi, semeur de zizanie au milieu du bon grain (cf. Mt XIII, 24-25) ; prenez garde, autrement dit, que ne s’infiltrent dans votre troupeau les erreurs pernicieuses et subtiles d’un faux " mysticisme " et d’un nocif " quiétisme " - erreurs que Nous avons déjà condamnées, comme vous savez (Lettre encycl, Mystici Corporis) - et que les âmes ne soient séduites par un dangereux " humanisme ", ni par l’introduction d’une fallacieuse doctrine, altérant la notion même de la foi catholique, ni enfin, par un retour excessif à l’" archéologisme " en matière liturgique. Déployez une égale diligence pour que ne se répandent pas les fausses opinions de ceux qui croient à tort et enseignent que la nature humaine du Christ glorieux habite réellement et d’une présence continuelle dans les " justifiés " ou qu’une grâce unique et identique, prétend-on, unit le Christ avec les membres de son Corps mystique.

Ne vous laissez pas décourager par les difficultés qui se font jour ; que jamais ne se lasse votre zèle pastoral : " Sonnez de la trompette dans Sion, convoquez l’assemblée, réunissez le peuple, sanctifiez l’Église, rassemblez les vieillards, les enfants et les petits à la mamelle " (Joël, II, 15-16), et faites en sorte, de toutes manières, que dans l’univers entier les temples et les autels voient en foule accourir des chrétiens qui, tels des membres vivants réunis à leur Chef divin, se fortifient par la grâce des sacrements et, de concert avec lui et par lui, célèbrent l’auguste sacrifice, en rendant au Père éternel les louanges qui lui sont dues.

CONCLUSION

Voilà ce que Nous avions, Vénérables Frères, à vous écrire, et Nous le faisons dans l’espoir que Nos et vos fils comprennent mieux et estiment davantage le très précieux trésor contenu dans la sainte liturgie : à savoir, le sacrifice eucharistique, représentation et renouvellement du sacrifice de la croix ; les sacrements, canaux de la grâce et de la vie divine ; l’hymne de louange, élevé par la terre et le ciel, chaque jour, vers Dieu.

Il Nous est peut-être permis d’espérer que ces exhortations porteront les tièdes et les récalcitrants, non seulement à l’étude plus profonde et plus exacte de la liturgie, mais aussi à sa mise en pratique en ranimant dans leur conduite son souffle surnaturel, comme Nous les en avertissons d’un cœur paternel, selon le mot de l’apôtre : " N’éteignez pas l’Esprit " (I Thess., V, 19).

A ceux qu’un zèle intempestif pousse quelquefois à dire ou à faire ce que Nous avons le regret de ne pouvoir approuver, Nous redisons le conseil de saint Paul : " Mettez tout à l’épreuve ; gardez ce qui est bon " (Ibid., V, 21). Et Nous leur demandons paternellement de vouloir bien rectifier leur façon de penser et d’agir, d’après une doctrine chrétienne qui soit conforme aux leçons de l’Épouse sans tache de Jésus-Christ, Mère des saints.

Nous rappelons aussi à tous la nécessité d’une généreuse et fidèle volonté d’obéir aux pasteurs, à qui appartient le droit et incombe le devoir de régler toute la vie de l’Église et principalement la vie spirituelle : " Obéissez à vos supérieurs et soyez-leur soumis. Chargés, en effet, de veiller sur vos âmes, dont ils auront à rendre compte, qu’ils le fassent avec joie et non en gémissant " (He XIII, 17).

Daigne le Dieu que nous adorons et qui " n’est pas le Dieu de la discorde, mais de la paix " (I Co XIV, 33), nous accorder à tous de participer d’un seul esprit et d’un seul cœur, en cet exil terrestre, à la sainte liturgie, qui soit comme une préparation et un avant-goût de cette liturgie céleste, dans laquelle, espérons-le, nous chanterons en compagnie de la Reine du ciel, notre Mère très douce : " A Celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau : bénédiction, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles " (Ap V, 13).

Dans cette très joyeuse espérance, à vous tous et à chacun de vous, Vénérables Frères, ainsi qu’aux brebis confiées à votre vigilance, comme gage des dons célestes et témoignage de Notre particulière bienveillance, Nous envoyons de très grand cœur la Bénédiction apostolique.

Donné le 20 novembre de l’année 1947, 9ème de Notre Pontificat.

Pie XII