Le besoin de la création d’un évangile a du commencer à se faire sentir le vendredi 7 Avril 30 date à laquelle on situe avec une assez bonne probabilité la crucifixion de Jésus-Christ. Le mot évangile vient du latin ecclésiastique evangelium qui signifie « bonne nouvelle » et particulièrement « bonne nouvelle de la parole du Christ », « récit des actes et des paroles du Christ ». Une fois passé le premier choc du à sa mort, les proches de Jésus ont du commencer à avoir besoin de raconter et un peu plus tard de fixer par écrit les souvenirs qu’ils avaient gardé de lui.
Que vous soyez chrétien ou non, vous ne pouvez pas nier les conséquences gigantesques du passage sur terre de Jésus-Christ. Vous ne pouvez pas nier son influence sur la civilisation mondiale, qu’elle soit perçue comme négative ou positive. On imagine donc à quel point il a du marquer les esprits de ses contemporains. Quand on pense que deux mille ans plus tard il alimente encore de nombreuses polémiques, on voit mal comment quelqu’un qui l’a croisé à l’époque a pu rester indifférent. On peut comprendre d’autant mieux, la nécessité absolue pour ceux qui l’ont côtoyé et apprécié de raconter ce qu’ils avaient vu et entendu et de le faire partager. Justin de Naplouse, martyr chrétien mort à Rome avant 170 après Jésus-Christ, appelle même les évangiles les « mémoires des apôtres ».
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Revenons d’abord à la méthode employée pour dater aussi précisément sa crucifixion. On connaît l’implication de Ponce Pilate, gouverneur romain de Judée de 26 à 36, dans cette mise à mort. De plus, les sources écrites sont unanimes pour dire que Jésus Christ mourut un vendredi à Jérusalem.
« Déjà le soir était venu et comme c'était la Préparation, c'est-à-dire la veille du sabbat,… » (Marc 15,42) ,
« Comme c'était la Préparation, les Juifs, pour éviter que les corps restent sur la croix durant le sabbat -- car ce sabbat était un grand jour -- , demandèrent à Pilate qu'on leur brisât les jambes et qu'on les enlevât. » (Jean 19,31).
Il n’existe qu’une divergence entre les récits des évangélistes. Marc fixe ce vendredi au jour même où les juifs mangent la pâque, le 15 du mois de nisan.
« Le premier jour des Azymes, où l'on immolait la Pâque, ses disciples lui disent: "Où veux-tu que nous nous en allions préparer pour que tu manges la Pâque? » (Marc 14,12). Le dernier repas que prit Jésus avec ses disciples aurait été le repas pascal.
Selon le texte de Jean, Jésus mourut l’après midi de la veille de la fête le 14 du mois de nisan.
« Alors ils mènent Jésus de chez Caïphe au prétoire. C'était le matin. Eux-mêmes n'entrèrent pas dans le prétoire, pour ne pas se souiller, mais pour pouvoir manger la Pâque. » (Jean 18,28)
Le récit de Jean est confirmé par un extrait du Talmud de Babylone ou est écrit : « La veille de Pâques, on a pendu Yéshu (Jésus) ». (Sanhédrin 43a). Attention , ici, le verbe « pendu » sous entend « pendu à une croix ».
A ce stade, il suffit de supposer que la gouverneur n’a pas osé crucifier trois personnes un jour de fête pour donner raison à Jean et aboutir à la date du vendredi 7 Avril 30. |
L’Eglise catholique reconnaît comme canoniques quatre évangiles : selon Saint Matthieu, selon Saint Marc, selon Saint Luc et selon Saint Jean. Le mot « canonique » signifie que ces évangiles sont « conformes à la règle ». D’autres textes appelés aussi évangiles parurent dès les premiers siècles : l’évangile de Thomas, l’évangile de Pierre, l’évangile secret de Marc, l’évangile de Marie ..etc. On a même fait paraître un évangile de Judas. Ces écrits sont qualifiés d’apocryphes c’est à dire qu’ils ne sont pas reconnus par l’Eglise.
De temps en temps une polémique s’engage sur tel ou tel évangile qu’aurait cachée l’Eglise pour ne pas risquer de miner son autorité. Dans ce cas, on passe directement à un débat sur la véracité du texte. Même si on découvrait demain un texte écrit de la main de Jésus-Christ, son interprétation resterait avant tout une question de foi.
On peut partager ou non une foi, on ne peut pas la contester. Enfin , contester la distinction entre canoniques et apocryphes n’a pas beaucoup de sens puisqu’elle fait partie des règles d’un groupe humain spécifique. Si vous ne faites pas partie de l’Eglise catholique c’est normal que vous n’appliquiez pas cette règle, vous n’avez donc pas à juger de la conformité d’un texte à celle-ci. Par contre si vous faites partie de l’Eglise catholique et que vous pensez qu’un nouvel évangile est canonique, il faut essayer de convaincre les autres membres de l’Eglise. Si l’Eglise ne change pas sa règle alors c’est à vous de réfléchir à votre appartenance à celle-ci. |
Les évangiles selon Saint Matthieu, Saint Marc et Saint Luc sont qualifiés de synoptiques c’est à dire qu’ils racontent la vie de Jésus selon un point de vue comparable. On peut les lire en parallèle et rapprocher leur façon de relater un même événement. Le plan de l’évangile selon Saint Jean est différent.
La première mention des évangiles canoniques provient d’une « Exégèses des discours du seigneur » en cinq volumes écrite par Papias évêque de Hiérapolis en Phrygie. Des passages de cet ouvrage, aujourd’hui disparu, sont cités par Eusèbe ( mort vers 340 ) , évêque de Césarée en Palestine, dans son ouvrage Histoire Ecclésiastique, III, 39,16.
Papias écrit au sujet de Saint Marc :
« Marc, qui était l'interprète de Pierre, a écrit avec exactitude, mais pourtant sans ordre, tout ce dont il se souvenait de ce qui avait été dit ou fait par le Seigneur. Car il n'avait pas entendu ni accompagné le Seigneur ; mais plus tard, comme je l'ai dit, il a accompagné Pierre. Celui-ci donnait ses enseignements selon les besoins, mais sans faire une synthèse des paroles du Seigneur. De la sorte, Marc n'a pas commis d'erreur en écrivant comme il se souvenait. Il n'a eu en effet qu'un seul but, celui de ne rien laisser de côté de ce qu'il avait entendu et de ne tromper en rien dans ce qu'il écrivait »
Puis au sujet de Saint Matthieu :
« Matthieu réunit en hébreu les logia de Jésus et chacun les interpréta comme il le put. Cet auteur se sert des témoignages apportés par les premières lettres de Jean et de Pierre. Il raconte aussi l'histoire de la femme accusée de fautes devant le Seigneur ? Ce récit figure dans l'évangile selon les Hébreux »
Les logia de Jésus sont des recueils de phrases qui auraient été prononcées par Jésus ce qui ferait de ce « Matthieu en hébreu » l’ancêtre d’un évangile.
Saint Irénée (évêque de Lyon , mort vers 208 ) mentionne Papias dans le livre V de son ouvrage intitulé « Contre les hérésies » , ouvrage communément daté des années 180-185. Il écrit que Papias était un « homme vénérable ». Le témoignage de Papias se situerait donc entre 120 et 140 après Jésus-Christ mais il n’existe aucune certitude sur le sujet.
Eusèbe ne cite pas de passage de Papias concernant Saint Luc ou Saint Jean , on trouve la première référence à Saint Luc et à Saint Jean dans le « Contre les hérésies » de Saint Irénée. Au livre III, dans le préliminaire sur la vérité des écritures on peut lire :
« De son côté, Luc, le compagnon de Paul, consigna en un livre l'Évangile que prêchait celui-ci. Puis Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l'Évangile, tandis qu'il séjournait à Éphèse, en Asie ».
Même si le canon, c’est à dire la liste des 27 livres qui constituent le nouveau testament, n’a été déclarée officiellement par l’Eglise que tardivement, il est intéressant de constater que les quatre évangiles, elles, sont canoniques depuis la fin du deuxième siècle. Il s’est donc passé moins de 150 ans entre la crucifixion de Jésus-Christ et la canonisation du récit de sa vie et de ses paroles.
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Saint Irénée - évèque de Lyon

Eusebe de Cesarée |
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